LA PRESSE EN PARLE : HYDROXYCHLOROQUINE, LE « LANCET » CONTESTÉ
L’étude­clé suggérant l’absence d’efficacité de l’antipaludéen contre le Covid­19 est l’objet de critiques est l’étude qui, après une série de signaux négatifs, a fait basculer les autorités sanitaires concernant l’efficacité et la sécurité du traitement à l’hydroxychloroquine dans la lutte contre le Covid­19. Le 22 mai, la revue scientifique britannique The Lancet publiait une analyse rétrospective des dossiers médicaux de 96 000 malades, qui aboutissait à la conclusion que, loin d’apporter un bénéfice aux patients hospitalisés, la chloroquine et l’hydroxychloroquine, combinées ou non à des antibiotiques (dont l’azithromycine), entraînaient un risque accru d’arythmie cardiaque et de décès à l’hôpital.
 Dans la foulée, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a suspendu temporairement l’inclusion de patients recevant de l’hydroxychloroquine dans son essai clinique Solidarity.
En France, le gouvernement, suivant l’avis du Haut Conseil de santé publique et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a publié un décret abrogeant une dérogation qui avait permis l’utilisation de la molécule dans un contexte hospitalier contre le Covid­19. Et les essais cliniques sur l’hydroxychloroquine ont été suspendus, le temps d’analyser les données.  L’étude du Lancet a aussitôt été passée à la loupe, et sévèrement critiquée. 
Vendredi 28 mai, un court erratum du Lancet a répondu à une partie des interrogations, reconnaissant une erreur de codage et la publication d’un tableau de données redressées en lieu et place de données brutes. Mais sur le fond, «il n’y a pas eu de changement dans les conclusions de l’article », précise The Lancet dans ce correctif.
Ces éclaircissements calmeront­ils les critiques ? Parmi les premiers en France, l’ancien ministre de la santé Philippe Douste­Blazy avait estimé que l’étude comportait de graves incohérences méthodologiques, avant de reconnaître qu’il l’avait pour partie mal lue. Mais certaines de ses interrogations trouvent leur réponse dans le correctif du Lancet.
Qualifiant l’étude de « foireuse », le professeur Didier Raoult n’avait pas hésité à soupçonner ses signataires d’avoir manipulé les données, évoquant des « fake data » dans un Tweet en anglais. La version française était à peine plus mesurée : « Il n’est pas possible qu’il y ait une telle homogénéité entre des patients de 5 continents différents. Il y a manipulation préalable, non mentionnée dans le matériel et méthodes, ou ces données sont faussées », écrivait le directeur de l’institut hospitalo­universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille. Le correctif du Lancet penche pour une troisième option : la publication erronée d’un tableau à la place d’un autre. Mais l’incohérence des données avait été justement pointée.
« Attention médiatique »
Le fil Twitter du professeur Raoult faisait aussi état d’un écart inexpliqué entre le nombre de patients comptés comme morts du Covid­19 en Australie dans l’étude du Lancet et un bilan moins élevé effectué par Canberra. L’infectiologue marseillais avait pris langue avec d’autres scientifiques critiquant la méthodologie de l’article du Lancet et relayé jeudi une proposition de lettre ouverte à la direction de ce journal médical, qui avait indiqué de son côté avoir demandé en urgence des explications aux auteurs.
L’épidémiologiste James Watson (université d’Oxford), à l’origine de cette lettre ouverte, avait déjà listé, dans un billet de blog, une série de questions méthodologiques, éthiques. Il y reconnaissait qu’il avait un intérêt dans l’affaire : il coordonne une étude clinique visant à prescrire l’hydroxychloroquine de façon
préventive à des soignants. « L’étude du Lancet va inévitablement nuire à cet essai en raison de l’attention médiatique », écrit­il.
Précédant l’erratum du Lancet, une enquête du Guardian avait déjà permis de lever une partie du mystère à propos du décompte des morts en Australie. La différence serait due à un mauvais codage des données, un hôpital asiatique s’étant par erreur identifié comme australien, avait indiqué au journal Sapan Desai, coauteur de l’étude et fondateur de l’entreprise américaine spécialisée dans les données médicales Surgisphere. Cette société a collationné l’ensemble des données anonymisées grâce à son vaste réseau de contacts avec des hôpitaux dans le monde.
L’accès au jeu de données, afin de vérifier la façon dont elles ont été analysées, est demandé par de nombreux observateurs. Didier Raoult en venait même, vendredi 29 mai, à s’interroger sur Surgisphere : « Nous nous posons des questions sur l’existence de l’entreprise Surgisphere, en charge de la collecte des données du Lancet », écrivait­il alors sur Twitter.
Le corrigendum satisfera­t­il les observateurs, qui demandent à avoir accès à toutes les données pour vérifier leur qualité, voire leur réalité ? Sur son site, Surgisphere avait déjà répondu jeudi ne pas être en mesure de rendre publiques ces informations, « Ce n’est pas normal, regrette l’infectiologue Yazdan Yazdanpanah (hôpital Bichat), qui siège aux deux conseils scientifiques Co­ vid­19 installés par le gouvernement. On s’est beaucoup battus pour que les données concernant l’épidémie soient disponibles. Il est important qu’il y ait cette transparence. » Peut­être cette confidentialité a­t­elle été instituée pour protéger les hôpitaux qui se révéleraient moins performants dans la prise en charge des malades ? « Il devrait être possible de rendre accessibles des données qui ne soient pas au niveau de l’hôpital pour éviter toute stigmatisation », estime M. Yazdanpanah. Vendredi soir, Surgisphere a publié un nouveau communiqué pour expliquer sa démarche. Face au scepticisme ambiant, l’entreprise indique avoir sollicité un « audit académique indépendant ».
« Faisceau d’arguments »
Selon M. Yazdanpanah, étant donné les fortes mortalités révélées par l’étude du Lancet, et au vu de la faible efficacité du médicament, également soulignée par d’autres publications, il existait « un faisceau d’arguments » pour interrompre l’utilisation de l’hydroxychloroquine. En revanche, l’infectiologue estime toujours nécessaire de poursuivre son évaluation dans des essais cliniques randomisés contrôlés (comparant un groupe de malades recevant le traitement et un groupe de patients témoins comparables, constitués de façon aléatoire), si les données tirées à ce stade de ces cohortes ne mettent pas en évidence une toxicité manifeste. 
L’essai britannique Recovery n’a pas été suspendu pour cette raison. Les données de Solidarity (OMS) sont en cours d’évaluation, et le comité de sécurité de l’essai français Discovery devrait se réunir le 3 juin. L’étude du Lancet concluait elle­même que, pour statuer, il était urgent de mener à leur terme des essais en cours. 
Hervé Morin
 
LA PRESSE EN PARLE 
 
PARIS MATCH : du 28 MAI au 3 JUIN 2020
L’HYDROXYCHLOROQUINE VICTIME D’UN COMPLOT ?
Derrière les études dévalorisant l’action de l’antipaludéen rendu célèbre par le professeur Raoult pourraient se cacher des intérêts industriels. Un scandale dénoncé par le grand infectiologue Christian Perronne 
Par le docteur Philippe Gorny
LE GOUVERNEMENT EST RESPONSABLE D’UN DÉSASTRE ÉVITABLE
Un scandale dénoncé par le grand infectiologue Christian Perronne
Les études négatives qui sont apparues depuis la fin avril sont, pour la plupart, méthodologiquement scandaleuses, biaisées à dessein, à l’évidence destinées à détruire un produit peu coûteux, qui dérange l’industrie pharmaceutique et certains enquêteurs qui lui sont liés. On a reproché au professeur Didier Raoult de mener des études non randomisées [c’est-à-dire sans tirage au sort permettant de comparer un groupe traité contre un autre], mais aucune de celles contre l’hydroxychloroquine [HCQ] ne l’a été. C’est l’histoire de la paille et de la poutre ! »
Le professeur Christian Perronne, spécialiste des maladies tropicales et des maladies infectieuses émergentes, à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), publie le 17 juin, chez Albin Michel, un réquisitoire implacable contre la politique gouvernementale, responsable, selon lui, d’un désastre évitable. Ses arguments, développés ici, sont simples, mais pour les comprendre, il faut revenir aux premières études sur la chloroquine. Tout commence le 19 février par celle de l’université de Qingdao en Chine. L’administration orale de 500 mg de phosphate de chloroquine par 24 heures a permis de guérir 100 patients récemment infectés, en quelques jours à peine. Aucun effet indésirable n’est relevé. Quinze laboratoires avaient déjà démontré que la molécule bloquait l’entrée du Sars-CoV-2 dans les cellules humaines. Mais c’est la première fois que l’effet est constaté « in vivo ».
C’est cette étude préliminaire qui va décider Didier Raoult à utiliser le Plaquenil, nom commercial de l’hydroxychloroquine, mieux tolérée que le phosphate de chloroquine, et à l’associer à un antibiotique ayant des effets antiviraux, l’azithromycine. « Si on est en temps de guerre, il faut agir », dit-il. La première étude qu’il réalise porte sur 24 patients, la deuxième sur 80 (98 % de succès). Quand on lui reproche l’absence de groupe témoin, il réplique : « Vous avez besoin de comparer deux guillotinés pour vous assurer que la guillotine fonctionne ? »
Le docteur Pierluigi Bartoletti, vice-président de la Fédération italienne des médecins généralistes, explique, lui, que « le virus a une évolution en deux phases. C’est au cours de la seconde, après quelques jours, que la situation peut brutalement s’aggraver et conduire à une insuffisance respiratoire aiguë réclamant des soins intensifs. » On est le 28 mars, il ajoute que les résultats qui s’accumulent en Italie suggèrent que l’HCQ administrée précocement peut éviter cette évolution. Aussitôt, les autorités italiennes autorisent sa large diffusion pour les infections débutantes. Plusieurs autres pays font de même. Sous la pression de Donald Trump, la FDA accorde son usage dans les hôpitaux américains. Etrange situation. Ce soutien attire aussitôt sur l’HCQ les foudres des opposants au président.
« Fin mars, j’interviens moi-même pour rappeler qu’il n’y a rien à attendre de ce produit quand il est prescrit à un stade tardif comme dans l’étude Discovery », nous rappelle Christian Perronne. Or, depuis le 26 mars, un décret ministériel interdit aux médecins de ville français de le prescrire. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé soupçonne la molécule d’être directement responsable de décès d’origine cardiaque. Courant avril, pourtant, plusieurs travaux internationaux révèlent que le Covid-19 est une maladie autant cardio-vasculaire que pulmonaire, générant des thromboses, des embolies artérielles et veineuses, ainsi que des myocardites (inflammation du muscle cardiaque) et parfois des infarctus. « Interdire sa prescription en phase de début tout en l’autorisant en phase tardive, quand elle peut, du fait des lésions, favoriser ces risques cardiaques... est un contresens absolu, affirme Perronne. 
On peut, à ce régime, lui mettre tous les décès sur le dos, et continuer de terroriser les foules. En avril, un comité de plus de 1 200 médecins s’insurge contre l’interdit ministériel et réclame la liberté de prescrire le Plaquenil. Je les comprends : les politiques, arrogants donneurs de leçons, les ont infantilisés ! » Didier Raoult, lui, affirme que c’est la liberté de soins qui est remise en cause. Et même, le devoir de soigner, objet du serment d’Hippocrate.
La première étude randomisée sur l’HCQ, et à ce jour la seule, paraît le 31 mars en Chine. Ont été comparés 62 patients séropositifs ayant une pneumonie légère : 31 ont été traités avec l’HCQ, 31 ont reçu un placebo. L’efficacité du médicament est démontrée une fois de plus. Peu importe, on ne retiendra que l’étude portant sur 368 vétérans américains selon laquelle non seulement l’HCQ n’est pas efficace mais dangereuse. Quels patients ont été choisis ? Les plus âgés et les plus atteints, ceux qui avaient besoin d’un apport en oxygène, voire d’un respirateur... Cette étude présente même des tableaux ne correspondant pas toujours au texte, ce qui laisse penser que les données ont été retravaillées a posteriori. Elle a été sponsorisée par le National Institute of Health (NIH) ; le titre rassure... mais l’organisation est largement subventionnée par l’industrie pharmaceutique américaine qu’elle défend bec et ongles.
Le 11 mai, une étude new-yorkaise, menée chez 1 438 patients hospitalisés pour des formes sévères et tardives, n’établit aucune différence, sur le plan de la mortalité, entre les groupes HCQ d’un côté, azithromycine de l’autre, ou les deux associés. Pas étonnant à ce stade !
Le 15 mai, deux nouvelles études discréditant l’HCQ sont publiées par le « British Medical Journal ». La première, chinoise, porte sur 150 patients légèrement ou modérément atteints. Le critère d’évaluation : le temps de disparition du Sars-CoV-2. Aucune différence observée. Il ne pouvait en être autrement puisque l’HCQ leur a été administrée en moyenne dix-huit jours après l’apparition des symptômes, c’est-à-dire à un moment où tous s’amélioraient spontanément ! Quant aux effets secondaires signalés – la gorge sèche, les douleurs pharyngées, les diarrhées –, ils sont fréquents avec le Covid-19.
Nouvelle étude française avec 181 patients nécessitant un apport d’oxygène, c’est-à-dire des formes déjà tardives et sévères. Aucune efficacité de l’HCQ. Bizarrerie : 29 % des patients du « traitement standard » qui leur sont opposés ont reçu l’azithromycine recommandée par Didier Raoult. Ce qui fait du groupe standard un groupe qui ne l’est plus du tout. Et comme si cela ne suffisait pas, on n’inclut pas dans les statistiques le fait qu’aucun des quinze patients ayant reçu l’association HCQ-azithromycine n’a été transféré en réanimation ni n’est décédé. Enorme !
Le 23 mai, une nouvelle étude newyorkaise, publiée dans le « New England Journal of Medicine », et toujours sponsorisée par le NIH, porte sur 1 446 patients. Pas plus randomisée que les précédentes, elle est elle aussi biaisée : l’HCQ est administrée aux patients les plus atteints, avec la plus lourde comorbidité, tandis que le groupe témoin reçoit de l’azithromycine. Le même jour, sort dans le journal « Lancet » un travail appelé « étude observationnelle », ce que Didier Raoult traduit par « étude foireuse ». Elle n’est en rien une étude clinique et en rien randomisée. Sur la base de 96 032 dossiers venus de 671 hôpitaux répartis dans le monde (Amérique du Nord surtout), la chloroquine est à nouveau clouée au pilori. Cette « construction électronique », qui conclut que l’HCQ est dangereuse et inefficace, est absolument invérifiable. Les calculs ont été effectués par une société privée (Surgisphere Corporation), dédiée à la promotion de médicaments. On ne sait rien de la gravité de l’état des patients, ni de la durée de leurs traitements.
D’après l’étude de Raoult portant sur 1 061 malades, dans l’attente de celle réalisée sur plus de 3 600, le taux de mortalité a été de 0,5 %. Le plus bas du monde. Le taux de succès, de 96 %. Et il interroge : « Qui faut-il croire, ceux qui ont vu des malades ou ceux qui n’en ont pas vu ? »
Le ministre de la Santé Olivier Véran a choisi : il propose une « révision des règles dérogatoires de prescription de l’HCQ ». Quelques jours plus tard, l’OMS prend même la décision de suspendre momentanément les essais sur l’hydroxychloroquine.
Des patients sont pourtant traités au long cours par l’HCQ, pour un lupus ou une polyarthrite rhumatoïde. Ils échappent presque tous au Covid-19. Plusieurs essais l’ont signalé, dont un italien en cours de publication. Sur 2 500 malades, seuls 20 ont été contaminés, aucun n’a été hospitalisé, aucun n’est décédé. On notera enfin que dans les pays où l’utilisation de l’HCQ a été privilégiée, le nombre de morts est très faible : la Grèce (171 décès), le Portugal, pourtant si proche de l’Espagne (avec ses 29 000 morts)... 1302, 48 en Tunisie, 221 au Maroc.
Pendant ce temps, le puissant laboratoire Gilead a déposé une demande de mise sur le marché à l’Agence européenne du médicament pour le remdesivir, son antiviral. Peu importe si les effets indésirables sont notables et fréquents, et si son bénéfice réel sur la mortalité du Covid-19 est très douteux : le cours de l’action varie en fonction des déboires de l’HCQ. Le remdesivir coûte cher, il est utilisable seulement dans les formes sévères et tardives du Covid, quand la priorité est la lutte contre l’inflammation et les thromboses. A-t-il une réelle utilité ? « Personnellement j’en doute, répond Christian Perronne. Plusieurs leaders actuels en infectiologie en charge d’étude sur l’HCQ, qui conseillent le gouvernement ou interviennent médiatiquement, ont des liens d’intérêt (ce qui n’est pas forcément grave), mais aussi des conflits d’intérêts (ce qui l’est davantage) avec Gilead [voir le site Transparence Santé, piloté par le ministère des Solidarités et de la Santé]. Troublant. »
L’European Centre for Disease Prevention and Control, établi près de Stockholm, a comparé les différences de mortalité du Covid-19 par rapport au nombre de cas déclarés (létalité). « La France, commente le professeur Perronne, seule à avoir interdit aux médecins d’agir comme ils l’entendent, s’est privée d’un traitement simple qui aurait pu éviter d’encombrer les réanimations et de nombreux décès. Elle n’a pas su non plus gérer dans les temps le déficit de masques. Elle occupe la dernière position dans le monde avec un taux de 19,67 % de létalité ! Pas de quoi pavoiser. » ■
Le professeur Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, continue de défendre son protocole.
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