Plutôt mourir que m'injecter cette saloperie !" :
sur Facebook, les "antivax" à l'affût contre un futur vaccin anti-Covid. Alors que des projets de vaccins sont en développement afin d'enrayer la pandémie de Covid-19, de nombreux Français se disent réticents à y avoir recours. Parmi ces sceptiques, un noyau dur rejette avec virulence le futur sérum, qui serait le fruit d'un complot mondial, et se préparent à résister aux consignes des autorités. Par Sébastien Grob Publié le 27/07/2020
 
 
 
 
La panacée pour beaucoup, une menace pour certains. Alors que le développement d'un vaccin est considéré comme un enjeu majeur dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, de nombreux Français sont réticents à l'idée de se faire inoculer le futur sérum. Parmi eux, un noyau dur s'oppose franchement à sa distribution, diffusant des théories volontiers complotistes sur les réseaux sociaux. Ceux que nous avons interrogé en sont convaincus :-le vaccin sera inutile voire nocif, mais ne manquera pas d'être imposé à la population pour servir les intérêts d'une poignée de puissants. Mais ces résistants en herbe se disent prêts à tout pour éviter de se faire injecter la substance.
 
Une minorité non négligeable de Français ne voudraient pas avoir recours au vaccin s'il était disponible. C'est ce que montre une étude au long cours réalisée par l'institut Ifop, et coordonnée par un consortium de chercheurs : dans un sondage réalisé fin avril, 15% des répondants indiquent qu'ils ne se feraient "probablement pas" vacciner, et 8% "certainement pas". Parmi les plus âgés, qui sont les plus exposés à des formes graves de la maladie, le rejet est plus faible sans être minime, avec 12% de sceptiques. Tandis que la proportion de refus dépasse 30% parmi les 26-55 ans. "Le profil des enquêtés réticents est d'autant plus inquiétant : cette attitude était plus fréquente chez des personnes avec des faibles revenus (37%), qui sont généralement plus exposés à des maladies infectieuses", ainsi que chez "les jeunes femmes (36% de celles âgées de 18 à 35 ans), qui jouent un rôle crucial dans la vaccination des enfants", développe une analyse publiée dans la revue scientifique The Lancet le 20 mai.
 
 
"Le vaccin est prêt depuis longtemps"
Certains vont au-delà de la simple méfiance. En signant par exemple une pétition : un appel nommé "Pas de vaccination obligatoire contre le Covid-19!", qui alerte contre "les risques généraux des vaccins et plus spécifiques des vaccins anticoronavirus", a notamment réuni environ 6.600 signatures. Sur Facebook, plusieurs groupes affichent dès leur intitulé une position ferme contre une éventuelle distribution généralisée. Le plus gros d'entre eux, "Non Au Vaccin Covid19", compte un peu plus de 1.100 membres. En leur sein, ainsi que sur d'autres pages opposées plus globalement à la vaccination, des internautes vilipendent les recherches en cours, appuyant leurs saillies sur des articles de médias alternatifs et des vidéos. Tout en critiquant plus largement les mensonges supposés des autorités sur la pandémie. Ces groupes font d'ailleurs l'objet de précautions de la plateforme : au moment de cliquer sur le bouton "Rejoindre", une fenêtre s'ouvre pour suggérer "d'apprendre pourquoi l'OMS recommande la vaccination".
 
Pourquoi une telle défiance ? Les internautes que nous avons interrogés nient d'abord l'utilité du futur sérum. Notamment parce que son développement serait trop rapide : "Il faut toujours un certain nombre d'années pour développer un vaccin. Même s'il n'arrive qu'en 2021 ce serait trop tôt, les chercheurs n'auraient pas assez de recul", argumente Aurélia, une mère célibataire de 39 ans. Le Covid ne se prêterait de toute façon pas à la vaccination. "J'ai écouté notamment les exposés du professeur Raoult, et ce type de virus n'est pas sujet à ce qu'il y ait un vaccin tout de suite", assure Pascal, un ancien ouvrier de 60 ans en situation d'invalidité. L'infectiologue marseillais, dont le nom revient fréquemment dans les propos des anti-vaccins, avait affirmé en mai auprès de Paris Match que "trouver un vaccin pour une maladie qui n’est pas immunisante" était "un défi idiot". Le scientifique s'est toutefois montré plus modéré dans un entretien avec le Parisien en juin, estimant "improbable qu'un vaccin soit disponible", sans "[dire] que cela n'arrivera pas".
 
Pire, le futur vaccin s'intégrerait en fait dans un vaste complot, à en croire nos interlocuteurs. "Je pense que ce virus est une manipulation humaine, justement dans le but de vacciner les gens, et que ce vaccin est prêt depuis longtemps", affirme Aurélia. Plusieurs versions existent sur les finalités de cette opération. "Est-ce que le vaccin va comporter des nanoparticules activées avec la 5G ? Beaucoup de gens ont cette théorie", poursuit cette salariée d'une entreprise du Cac 40. De nombreuses publications Facebook parlent du supposé rôle de Bill Gates, le milliardaire étant une cible traditionnelle des anti-vaccins. "Il voudrait dépeupler la planète, avec un vaccin qui rendrait les femmes stériles", explique encore Aurélia. Une autre hypothèse répandue évoque l'implantation d'une puce électronique, qui permettrait de suivre ses porteurs à la trace. "Ce serait une sorte de carnet de vaccination électronique sous votre peau, afin de suivre si les vaccins ont été effectués. Cela fait partie de leur plan", assure Catherine, une Belge de 43 ans.
 
"Ma santé n'a pas de prix !"
Parmi les personnes questionnées, toutes sont persuadées que les autorités rendront le vaccin obligatoire, afin de servir au mieux ces sombres desseins. "Quiconque ne le fera pas se verra enlever ses enfants. Et ne pourra plus accéder aux lieux publics, aux cafés, aux centres commerciaux", s'alarme Tim, un ancien informaticien de 46 ans, actuellement au chômage. Pour autant, nos empêcheurs de vacciner en rond ne comptent pas se laisser faire. "Hors de question qu'on m'injecte ce truc ! Ma santé n'a pas de prix et celle de mes enfants encore moins !", lance Aurélia, qui élève seule ses filles âgées de 16 et 12 ans. Certains se disent prêts à tout pour échapper à la piqûre. "Je préfère encore vivre dans une caravane comme une moins que rien, participer à un suicide collectif, ou mourir en me battant contre celui qui voudra m'injecter cette saloperie !", assène Catherine.
 
En plus du cas du Covid, ceux que nous avons interrogé doutent de longue date de l'efficacité des vaccins, ou s'inquiètent de leur dangerosité. "J'ai vacciné ma fille, mais seulement parce que c'était obligatoire pour qu'elle rentre à l'école, raconte Ophélia, qui élève sa fille âgée de quatre ans à Reims. Mon médecin me mettait la pression pour que la fasse davantage vacciner, alors j'ai arrêté de l'y emmener. Maintenant je la fais soigner par un homéopathe". A en croire Tim, le contexte aurait aussi rendu sceptique des personnes qui ne doutaient pas des vaccins auparavant : "Il y a énormément de gens qui à la base ne sont pas 'antivax', mais qui ont un mouvement de recul très net sur ce point du vaccin contre le Covid. Ils voient qu'il y a une couille dans le potage", souligne le quadragénaire, qui lie cette prise de conscience avec le discours incohérent des autorités sur la pandémie.
 
Cette animosité contre les vaccins n'est pas nouvelle en France. Le niveau de défiance y serait même un des plus forts au monde, à en croire une étude internationale publiée en juin 2019 : 33% des Français y affirment douter de la sûreté des vaccins, une proportion supérieure à celle de tous les autres Etats. Le pays de Pasteur s'y classait aussi sur le podium des nations qui contestent le plus leur efficacité (19% des Français répondent en ce sens), et l'importance de les inoculer aux enfants (10%). Ces réticences persistantes ont conduit le gouvernement à élargir la liste des vaccins obligatoires pour les enfants, passée de 3 à 11 maladies couvertes en 2018
Retour
Lettre d'infos
Tong-ren-editions
Inscrivez votre e-mail pour recevoir nos dernières nouvelles !
Nous contacter :